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Le sommet de l’Union Africaine

by sur 20 juillet 2016

Union africaine : le 27e sommet de Kigali côté coulisses

20 juillet 2016 à 08h57 — Mis à jour le 20 juillet 2016 à 11h11 – Par Michael Pauron et Vincent Duhem – envoyés spéciaux à Kigali

Le 27e sommet de l’Union africaine, organisé au tout nouveau Conference center de Kigali, s’est achevé le 18 juillet. Florilège d’anecdotes qui ont ponctué en coulisses l’événement panafricain qui réunissait l’ensemble des chefs d’État du continent.

À plusieurs reprises, le président en exercice de l’Union africaine (UA), le Tchadien Idriss Déby Itno (IDI), s’est fait remarquer pour sa fermeté – d’aucuns ont même été jusqu’à dire son autorité. C’est que l’homme fort de N’Djamena n’a pas hésité à couper la chique à ses pairs. Il en fût ainsi notamment de la présidente du Liberia, Ellen Johnson Sileaf.

Alors qu’elle entame un discours au nom des membres de la Cedeao, demandant le report de l’élection du nouveau président de la Commission de l’UA, IDI l’interrompt et lui fait remarquer que ce n’est ni le lieu ni le moment : « Il faut voter, c’est tout », a-t-il asséné. Rendant fous de rage Macky Sall (Sénégal) et Alassane Dramane Ouattara (Côte d’Ivoire).

Plus tard, c’est le président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo qui a subi le même sort : impossible pour lui de s’exprimer sur la candidature de son ministre des Affaires étrangères à la succession de Nkosozana Dlamini-Zuma.

Autre victime du président en exercice : Denis Sassou Nguesso. Juste après la cérémonie d’ouverture, IDI décide que le premier discours, sur les droits de l’homme, sera prononcé en public. Sans en avertir qui que ce soit semble-t-il. Sassou demande : « Nous devrions peut-être attendre que tout le monde sorte pour commencer ? » IDI : « J’ai décidé que ce sujet devait se tenir en séance publique. Pour ceux qui sortent, merci de le faire en silence. »

Lors la cérémonie de clôture, le 18 juillet, il estimera : « On m’a dit que je suis trop dur, un peu dictateur. Loin de là, vraiment loin de là ! » Faute avouée à moitié pardonnée ?

Assassinat d’Hafsa Mossi : Mushikiwabo bouleversée

Louise Mushikiwabo, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, a été particulièrement marquée par l’assassinat de la député burundaise Hafsa Mossi, le 13 juillet à Bujumbura. La chef de la diplomatie a quitté précipitamment la cérémonie d’ouverture du Conseil exécutif quand elle a appris la nouvelle.

Les deux femmes se côtoyaient dans le cadre de leurs fonctions respectives et avaient fini par tisser des liens d’amitié. Députée burundaise de l’Assemblée de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC), Mossi fut auparavant ministre chargée des relations avec cette même EAC.

Un sommet à huis clos

Une fois n’est pas coutume, aucun représentant des partenaires de l’Union africaine (UA) – France, États-Unis, Royaume-Uni, Chine, Union européenne – n’a été convié aux travaux du 27e sommet de Kigali. Seuls les ambassadeurs accrédités au Rwanda ont été autorisés à prendre part à la cérémonie d’ouverture du Conseil exécutif, le 13 juillet. La décision, initialement prise par l’UA lors du sommet de Johannesburg en juin 2015, a été confortée par l’hôte rwandais en raison notamment du caractère électoral de ce sommet.

Zuma, reine de la piste

Détente après une première journée de travail. Les ministres des Affaires étrangères, réunis du 10 au 15 juillet avant le sommet des chefs d’État, se sont retrouvés le 13 juillet au soir à l’hôtel Mariott pour un cocktail « informel et détendu », selon un témoin. Au menu : « open bar » et musique. La présidente de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, s’est ainsi particulièrement illustrée sur la piste de danse. Une manière de décompresser, juste avant l’élection de son successeur. Résultat ? Elle doit finalement rempiler pour six mois !

Vers 22 h, la plupart des convives ont pris la direction du retour. Mais pas tous : quelques danseurs invétérés ont décidé de poursuivre la soirée, jusqu’à 2 h du matin, dans une boite guindée de Kigali, le People. Quand le chat n’est pas là…

La solution technologique

La technologie a du bon, mais elle ne règle pas tous les problèmes. Lundi 18 juillet au matin, la horde de journalistes et d’experts ont été surpris par la rapidité du scrutin qui était censé élire le nouveau président de la Commission de l’UA. Un ministre des Affaires étrangères raconte : « Nous avions un boitier électronique. Sur le bouton ‘1’, c’était la candidate ougandaise, le ‘2’, le candidat équato-guinéen, le ‘3’, la Botswanaise et le ‘4’, l’abstention. » En deux heures, les sept rounds étaient pliés. Et l’élection reportée à janvier, faute d’avoir pu se mettre d’accord sur l’un des trois candidats.

Soutiens à la France

Les soutiens à la France à la suite de l’attentat de Nice, qui a fait 84 morts et plus de 300 blessés le 14 juillet, ont été nombreux. Lors du discours d’ouverture, le 17 juillet, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, invité d’honneur de l’UA, a exprimé sa « solidarité avec le peuple français », assurant que « la France saura surmonter cette période difficile. » Et d’ajouter : « Nous devons tous nous mobiliser contre ces actes qui n’ont pas de religion. » En marge du sommet, le président Macky Sall a confié également à Jeune Afrique sa « peine » et sa « solidarité » pour la France.

27ème Sommet de l’UA à Kigali : L’ORGANISATION VA COMPTER SUR SES PROPRES RESSOURCES

Envoyés spéciaux B. COULIBALY et N. SAMAKE – L’ Essor – 20/07/2016

En approuvant le principe d’une taxe de 0,2% sur les importations des Etats membres, les dirigeants africains espèrent mobiliser 500 milliards de Fcfa. De quoi donner à l’organisation panafricaine les moyens de sa politique

Les travaux de la 27ème session de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA à Kigali ont pris fin lundi. L’élection d’un nouveau président de la commission de l’UA qui, à la dernière minute, avait occulté les autres questions à l’ordre du jour de la rencontre, a été reportée à janvier 2017.

La quarantaine de chefs d’État du continent dont le président, Ibrahim Boubacar Kéïta, qui ont fait le déplacement dans la capitale rwandaise, ont échangé sur le thème du sommet : « 2016 : l’année africaine des Droits de l’Homme avec une attention particulière pour les Droits des femmes ». Les chefs d’Etat ont également discuté des questions de sécurité, et du financement de leur organisation commune.

Afin de rendre l’UA financièrement indépendante, il a été proposé la création d’une taxe pour financer l’organisation.

Les chefs d’Etat ont approuvé le principe d’une taxe sur les importations pour financer l’organisation panafricaine et réduire sa dépendance vis-à-vis des pays donateurs. Cette nouvelle taxe de 0,2% doit s’appliquer à toutes les importations des 54 Etats membres de l’UA, à l’exclusion de certains biens de première nécessité qui restent à déterminer. Cette formule devrait générer environ 1,2 milliards de dollars soit 500 milliards de Fcfa. La mobilisation de cet argent sera facile par les Etats et permettra à l’UA de compter sur ses propres ressources, a commenté le ministre rwandais des Finances et de la Planification économique, Claver Gatete. Notons que cette proposition de financement a été faite par un comité d’experts dirigé par l’ancien président de la BAD, Donald Kaberuka.

Concernant notre pays, les chefs d’Etat ont salué les avancées dans la mise en oeuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, ainsi que le renouvellement et l’adaptation du mandat de la MINUSMA au contexte sécuritaire. Signalons que le Mali est à jour pour ses contributions au financement de l’UA.

Préoccupés par les violences au Soudan du Sud, un plan sécuritaire de paix a été adopté. A cet effet, les pays de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) ont demandé au Conseil de sécurité de l’ONU d’autoriser le déploiement d’une « Force régionale de protection » au Soudan du Sud, dans le cadre de la Mission des Nations unies déjà présente dans ce pays.

L’IGAD est un groupement régional composé de huit pays d’Afrique de l’Est que sont : Djibouti, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Kenya, la Somalie, l’Ouganda et le Soudan du Sud.

La force proposée sera distincte de la mission de maintien de la paix de l’ONU et aura la particularité d’avoir un mandat plus musclé. Son objectif est de protéger les civils, de pacifier Juba, la capitale, et de séparer les parties au conflit, a détaillé le commissaire au conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine, Ismaël Chergui

Concernant la fourniture des troupes à cette force, Ismaël Chergui a expliqué avoir d’ores et déjà reçu des assurances des pays de la région, mais aussi de pays d’Afrique australe et du Rwanda. Ces pays sont prêts à offrir des bataillons si le conseil de sécurité valide le déploiement de cette force lorsqu’il se réunira dans les prochains jours

Le commissaire de l’Union africaine a également reconnu qu’il va falloir concilier cette décision d’envoyer une force avec le refus du président sud-soudanais de recevoir plus de troupes étrangères. Il faudra donc, dans les prochains jours, que la communauté internationale parvienne à convaincre Salva Kiir.

Concernant l’élection d’un successeur à Mme NKosazana Dlamini Zuma, les observateurs ont expliqué que les candidatures de Agapito Mba Mokuy de la Guinée équatoriale, Pelonomi Venson-Moitoi de Botswana et Speciosa Wandira-Kazibwe de l’Ouganda ont donné lieu à une trentaine d’abstentions, soit beaucoup plus que la moitié des Etats membres présents. Les abstentions envers ces candidats concernent particulièrement les chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest à travers la CEDEAO. Les pays ouest-africains avaient, dès le début des travaux, estimé que les trois candidats n’étaient pas leur choix car ils manquent d’envergure.

Le report de l’élection du successeur Mme NKosazana Dlamini Zuma permettra à d’autres candidats de briguer le poste. Les noms de l’ancien président Jakaya Kikwete et de l’ancien ministre sénégalais Abdoulaye Bathily, circulent déjà.

BILAN DE DLAMINI ZUMA A LA TETE DE L’UA : On en attendait plus  

« Le Pays » – Date: 19 juillet 2016

Les lampions se sont éteints à Kigali sur le raout des têtes couronnées du continent.  Ce 27esommet de l’Union Africaine  devait tourner  la page de l’ère  Dlamini Zuma dont le mandat échu aux commandes de l’organisation, devait lui faire ses adieux. Même si, pour l’instant, faute de quorum des chefs d’Etat sur sa succession, elle bénéficie d’un bonus jusqu’au mois de janvier prochain, l’heure est aux décomptes des acquis et des insuffisances de son passage à la tête de l’institution. Partie avec toutes les faveurs des pronostics, il était beaucoup attendu de cette Sud-africaine en qui d’aucuns voyaient « la dame de fer africaine ».

Et il faut le dire, elle disposait de plus d’un atout pour s’attaquer avec succès aux tâches titanesques de construction et de reconstruction du continent. Son passé de combattante de la liberté et de l’égalité  dans l’ANC aux côtés  de leaders prestigieux et charismatiques comme Nelson Mandela et le leadership continental qu’ambitionnait son pays, l’Afrique du Sud,  la prédestinaient à une épopée glorieuse au sommet de l’Union.

On peine à déceler la touche Dlamini Zuma sur l’édifice de l’institution

A cela, on pouvait ajouter son statut de femme et mère plus sensible aux tragédies qui se jouent sur le continent. Et pour être exhaustif, elle avait décuplé son capital de sympathie auprès de nombreux idéalistes africains en incarnant, par son élection à la tête de l’UA, le triomphe de l’Afrique  sur une France néocoloniale qui soutenait en sous-main Jean Ping pour garder sa mainmise sur le continent. Et on peut le dire, sur certaines questions, les espoirs soulevés  n’ont pas été déçus car elle s’est parfois positivement illustrée par de fortes sorties lors de certains spasmes de l’histoire continentale.

A titre illustratif, dans la crise burkinabè, elle n’a pas hésité à qualifier les putschistes de « terroristes » et à brandir au-dessus de leurs têtes comme une épée de Damoclès, la menace de sanctions et de poursuites judiciaires. Autre scène, le Burundi où la crise a été pour elle, l’occasion de faire montre de fermeté vis-à-vis de la dictature de Bujumbura, même si in fine, son opiniâtreté  n’a guère dépassé le cadre de l’effet d’annonce parce que non suivie d’actions concrètes. Hormis ces quelques déclarations à forte sensation dans les situations conjoncturelles, on peine à déceler la touche Dlamini Zuma sur l’édifice de l’institution.

Sur le plan de la gouvernance démocratique, elle n’est pas parvenue à imposer à ses propres géniteurs, la charte de la démocratie et de la transparence des élections, laissant ainsi le continent à vau-l’eau  dans les mares saumâtres des tripatouillages constitutionnels et des hold-up électoraux comme au Burundi ou dans les deux Congo.  Rien de notable non plus à souligner à propos des préoccupations socioéconomiques des populations, reléguant ainsi aux calendes grecques l’UA des peuples.

Sur le plan sécuritaire, elle fera ses valises dans une maison encore fortement hantée par le sceptre de la terreur djihadiste et ce, pendant que le Soudan du Sud se meurt dans une guerre fratricide et rétrograde. Au plan international, elle laisse en jachère le combat du repositionnement international de l’Afrique à travers son entrée au Conseil de sécurité de l’ONU.

Ce bilan mitigé a fini par étouffer la voix  qui s’élevait au-dessus de  la mêlée et des messes basses, rendant de plus en plus lointain son écho qui,  finalement, s’est dissipé sur les hauts sommets éthiopiens. Mais pouvait-il en être autrement quand, comme le disent les Ivoiriens, « l’éléphant annoncé est arrivé avec un pied cassé»? 

En effet, de par la volonté des chefs d’Etat qui sont à la fois les mandants et principaux bénéficiaires, le fonctionnement de l’UA  n’offre à la présidence de la Commission que peu de marge de manœuvre. Comme dans les Etats « gondwanais » qu’ils dirigent, ils concentrent la réalité du pouvoir de l’UA.

Et en leur sein, de nombreux « Nkurunziza » tapis dans l’ombre, n’attendent que l’heure pour révéler leur nature hideuse à la face du monde.  Il est peu donc d’affirmer qu’ils sont nombreux à rire sous cape et à acclamer le départ de Dlamini Zuma, qui sonne pour eux comme un ouf de soulagement.

En plus du carcan imposé par ces satrapes du continent qui ont érigé l’Union Africaine en syndicat des chefs d’Etat, il faut aussi souligner la faiblesse des ressources qui, comme on le sait, constituent le nerf de la guerre.  « La plus belle femme du monde, dit-on, ne peut donner que ce qu’elle a ».

Dlamini Zuma qui était annoncée dans la lignée du Malien Alpha Omar Konaré, n’en n’aura été qu’un pâle reflet

Nkosazana Dlamini Zuma se sera  battue avec les armes en sa possession et le plus souvent, contre des moulins à vent. Et ironie du sort, c’est elle qui essuie toutes les critiques quant à l’inefficacité de ce « machin » africain qu’elle s’impatiente sans doute de refiler comme une patate chaude, à son successeur. Ce bilan en demi-teinte de  dame Zuma est aussi le résultat du peu de soutien que lui a apporté son pays, l’Afrique du Sud. Le président Jacob Zuma empêtré dans ses frasques retentissantes, a fini par jeter l’opprobre sur les couleurs de la nation arc-en-ciel, mettant ainsi en berne ses ambitions de leadership continental.

Mais cela ne saurait être une excuse car Nkosazana Dlamini ZUMA savait qu’elle ne pouvait rien attendre de son ex-époux qui a manœuvré pour l’expatrier à l’Union africaine parce qu’elle le dérangeait par ses ambitions présidentielles. D’aucuns d’ailleurs lui font le reproche d’avoir été desservie dans son efficacité par le trop grand souci qu’elle a eu de sa propre carrière politique. Elle a dû ménager œufs et oignons pour conserver ou s’attirer sympathies et soutiens sur le continent, au service de sa prochaine candidature aux élections présidentielles en Afrique du Sud.

Au finish, cette dame qui était annoncée dans la lignée du Malien Alpha Omar Konaré, n’en n’aura été qu’un pâle reflet, manquant de poigne dans ses sorties pour affirmer clairement ses positions et bousculer les chefs d’Etat de leur piédestal.

Konaré a eu l’avantage d’avoir été chef d’Etat et démocrate exemplaire, ce qui lui offrait un certain ascendant sur ses pairs encore en exercice. C’est en cela qu’il serait souhaitable que dans les nécessaires  réformes à mener  au sein de l’UA, la fonction de président de la Commission de l’Union africaine soit dévolue aux anciens chefs d’Etat qui ont fait preuve d’une vertueuse gouvernance démocratique.

VOLONTE D’AUTOFINANCEMENT ET D’ENVOI DE TROUPES AU SOUDAN DU SUD : L’UA  a-t-elle les moyens de ses ambitions ?

« Le Pays » – Date: 18 juillet 2016

Les lampions se sont éteints hier, 18 juillet 2016, sur le 27e sommet de l’Union africaine qui s’est tenu à Kigali au Rwanda. Au nombre des décisions importantes prises par l’institution panafricaine, lors de ce sommet, l’on pourrait retenir l’adoption du principe d’instauration d’une taxe sur les importations pour s’autofinancer d’une part, et d’autre part l’idée d’envoi d’une « force de protection » des populations au Soudan du Sud, en proie à la recrudescence des violences entre les deux camps rivaux qui se disputent le pouvoir.

Face à cette volonté d’autofinancement de l’institution panafricaine et d’envoi de troupes dans le chaudron sud-soudanais, la question que l’on pourrait se poser est de savoir si l’UA a les moyens de ses ambitions. L’on peut en douter. Car, sur biens des questions brûlantes, l’institution panafricaine a montré son incapacité à se hisser à la hauteur des défis et des attentes des populations du continent. Et cela risque d’être encore le cas si elle n’y prend garde.

Ce qui devrait contribuer à rendre l’UA plus forte, pourrait au contraire la fragiliser davantage

En effet, par rapport à la taxe de 0,2% sur les importations des 54 pays de l’Union, dont l’objectif est de parvenir à terme à une certaine autonomie financière de l’institution, l’idée est indéniablement bonne. Et pour une fois que l’UA, pourrait-on dire, veut grandir un peu dans le but de s’affranchir quelque peu de la trop forte dépendance financière des donateurs étrangers, on ne va pas lui jeter l’anathème.  Bien au contraire, l’on pourrait même se demander pourquoi n’y avoir pas pensé plus tôt.

Car, l’argent, comme le dit l’adage, étant le nerf de la guerre, si l’Afrique qui connaît une recrudescence des foyers de tension nécessitant des interventions multiples et multiformes, doit toujours attendre la mobilisation des ressources auprès de donateurs étrangers avant tout déploiement au chevet de ses Etats malades, l’UA risque pour longtemps encore de jouer le rôle du médecin après la mort. Cela dit, l’application de la mesure sur le terrain, c’est-à-dire le prélèvement de ladite taxe,  pourrait s’avérer plus difficile qu’elle ne paraît, si elle n’est pas bien balisée. Déjà que les Etats ne se bousculent pas au portillon pour s’acquitter de leurs cotisations, rien ne dit que les mauvais payeurs changeraient leurs habitudes et que l’opération sera faite avec toute la bonne foi et l’allant nécessaire qui devraient permettre à l’Institution de bien fonctionner.

A ce propos, il n’est pas superflu de rappeler qu’à une certaine époque, la Libye du Colonel Mouammar Kadhafi avait dû voler au secours de l’Institution en épongeant la date de certains Etats membres. En outre, quand on sait que tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne en termes de volume des importations, il y a lieu de craindre une catégorisation des contributeurs avec, d’un côté, les grands contributeurs, et de l’autre, les petits.

Toute chose qui trancherait avec la traditionnelle formule des cotisations où tous les Etats sont pratiquement sur un pied d’égalité. C’est dire si ce qui devrait contribuer à rendre l’UA plus forte et un peu plus autonome, pourrait au contraire la fragiliser davantage, d’autant que les grands contributeurs pourraient vouloir logiquement imposer leur diktat lors de la prise des grandes décisions. Le projet pourrait donc faire flop, à l’image de la mesure adoptée en 2014, instaurant une taxe sur les billets d’avion, les nuits d’hôtel et les SMS téléphoniques et qui n’est jamais entrée en vigueur.

Mais tout dépend de comment le mécanisme sera mis en œuvre. L’une des solutions pourrait passer par la mise à contribution des entités sous-régionales comme la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), qui est du reste déjà très avancée en matière de TEC (Tarif extérieur commun). Ces institutions sous-régionales pourraient jouer le rôle de courroie de transmission entre les Etats membres et l’UA. Même si force est de constater qu’elles ne sont pas toutes au même niveau d’avancement dans leur processus d’intégration.

La volonté d’envoi de troupes au Soudan du Sud a de fortes chances de rester un vœu pieux

Le projet est ambitieux mais sera d’autant plus difficile à réaliser qu’il ne sera pas aisé de passer de ¾ des financements par l’extérieur, à zéro, le budget de l’UA reposant pour l’instant à près de 73%, sur l’apport des donateurs étrangers que sont l’Union européenne, les Etats-Unis d’Amérique, la Chine et la Banque mondiale essentiellement. Toutefois, l’on peut déjà saluer la volonté politique affichée de réaliser ce que la présidente sortante de l’UA, Dlamini-Zuma, a appelé un « bond en avant sans précédent pour l’autonomie et la dignité africaine ». Elle dont le vote du successeur a été reporté à janvier 2017, aucun des candidats déclarés n’ayant obtenu la majorité requise pour être élu, lors de ce sommet. En tout état de cause, une UA forte et autonome devrait faire l’affaire de l’Afrique, même si l’on peut se poser la question de savoir à qui cette autonomie de l’institution profitera le plus.

Aux têtes couronnées du continent qui donnent peu ou prou le sentiment d’avoir réussi  à en faire un instrument à leur service, ou aux populations africaines qui n’en attendent légitimement pas moins ? Et même si l’UA réussissait à renflouer ses caisses, il faudrait surtout que cette nouvelle santé financière serve davantage au renforcement de la démocratie et au respect des droits de l’Homme sur le continent. Cela passe aussi par sa capacité à déployer ses troupes dans des pays en conflit, où la démocratie est en mal, comme c’est le cas actuellement au Soudan du Sud où il est question de déploiement probable d’une « force régionale de protection » des populations.

L’UA a-t-elle les moyens d’une telle ambition ? On ne demande qu’à y croire. D’autant plus que les cas du Mali,  où elle a pratiquement mordu la poussière et du Burundi où elle s’est pour le moins couverte de ridicule en haussant le ton avant de se dégonfler comme un ballon de baudruche face à l’intransigeance des autorités burundaises, n’incitent pas à l’optimisme. C’est pourquoi l’on est porté à croire que cette volonté d’envoi de troupes au Soudan du Sud a de fortes chances de rester un vœu pieux, si ce n’est une décision prise, juste pour se donner bonne conscience. D’autant plus que le feu est déjà dans la maison sud-soudanaise. Et si l’UA ne fait pas diligence, elle risque, au meilleur des cas, de venir constater qu’un autre pompier s’est déjà attelé à éteindre l’incendie, et au pire des cas, de venir faire le constat que la maison est déjà consumée. A elle de prouver qu’elle n’a pas proposé une solution utopique et que l’on peut encore lui accorder une certaine crédibilité.

 

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